Effets cliniques de la glutamine
✅ Performances sportives et récupération musculaire
Les essais cliniques n’ont pas montré d’amélioration nette de la performance physique (force, endurance, VO₂max) sous glutamine.
Une méta-analyse récente (25 essais, athlètes adultes) conclut à une absence d’effet sur la condition physique et la composition corporelle. De même, une revue (55 études) note que la glutamine améliore certains marqueurs de fatigue métabolique (reconstitution glycogénique accrue, moins d’accumulation d’ammoniaque) mais n’augmente pas la performance mesurable.
Un essai randomisé (Candow et al. 2001) a comparé 6 semaines d’entraînement de résistance plus 0,9 g/kg de glutamine par jour (~30–40 g/d) vs placebo : les gains de force, de masse maigre ou le catabolisme musculaire étaient identiques entre groupes (résultat neutre).
En revanche, quelques études suggèrent un effet favorable sur la récupération musculaire et l’inflammation après l’exercice.
Par exemple, chez des basketteurs professionnels, 20 jours de glutamine orale (6 g/j) en période de compétition ont diminué les marqueurs sanguins de lésion musculaire (créatine kinase) et stabilisé l’équilibre hormonal (catabolisme vs anabolisme) sans signe d’infection.
Ces données suggèrent que la glutamine pourrait faciliter la récupération après des efforts intenses (diminution du stress musculaire).
Synthèse : Sur la performance athlétique pure, la glutamine ne montre pas de bénéfice probant (résultats neutres). Elle peut toutefois moduler positivement certains marqueurs de stress et de récupération (diminution de la CK, de la cytokine C-réactive, augmentation du glutathion) après un exercice intense. Les effets bénéfiques semblent apparaître à des doses modérées à élevées (typiquement ≥0,3 g/kg/jour) sur plusieurs semaines.
✅ Santé intestinale (perméabilité, SII, post-chirurgie)
Les études sur la perméabilité intestinale et les troubles fonctionnels indiquent un éventail de résultats selon le contexte.
Un point notable concerne le syndrome de l’intestin irritable (SII) de type diarrhée post-infectieuse : un essai randomisé contrôlé (8 semaines, 5 g 3×/j = 15 g/j) a montré qu’une nette majorité de patients sous glutamine atteignait une forte amélioration (réduction ≥50 points du score de sévérité SII) comparé au placebo (79,6 % vs 5,8 %, p<0,0001).
Ce traitement a aussi significativement normalisé la perméabilité intestinale (test lactulose/mannitol) et réduit la fréquence des selles.
Un second essai (ajout de glutamine à un régime pauvre en FODMAP chez patients SII) a obtenu 88 % de répondeurs (vs 60 % placebo) et 58 % de réduction moyenne du score SII.
Ces résultats sont très positifs pour le SII en forte perméabilité.
En revanche, les méta-analyses générales tempèrent cet optimisme. Une récente revue (10 essais, 352 sujets) n’a pas trouvé d’effet significatif global de la glutamine sur la perméabilité intestinale chez l’adulte. Seul un sous-groupe à dose élevée (>30 g/j) à court terme (<2 semaines) a montré un petit effet (réduction de la perméabilité).
Dans la maladie de Crohn active, deux petits essais (total 42 patients) ont conclu à aucun bénéfice significatif du glutamine (orale ou parentérale) sur la rémission clinique ou la perméabilité.
Pour la chirurgie digestive ou les soins intensifs : certaines données précliniques et soins intensifs suggèrent que le glutamine pourrait soutenir l’intégrité muqueuse, mais les méta-analyses cliniques n’ont pas validé un effet clair en prévention de complications (voir section immunitaire soins intensifs).
Globalement, effets positifs en SII post-infectieux (glutamine 15 g/j×8 sem, amélioration marquée), neutre sur perméabilité en population générale (sauf doses élevées), et pas de preuve d’efficacité pour la rémission de Crohn actif.
✅ Soutien immunitaire (sportifs, soins intensifs, oncologie)
- Sportifs : la glutamine est parfois utilisée pour prévenir la dépression immunitaire post-exercice. En pratique, les essais sont décevants : la méta-analyse chez les athlètes note aucun effet significatif sur le système immunitaire (lymphocytes, neutrophiles, incidence d’infection). Les chiffres de neutrophiles sanguins ne diffèrent pas de manière cohérente avec/ sans glutamine (sauf peut-être un moindre nombre à très haute dose). En conséquence, l’effet global sur l’immunité des sportifs est neutre.
- Soins intensifs : les patients en état critique présentent une forte demande en glutamine. Les données cliniques sont mitigées. Des essais nutritionnels (parentéral et entéral, doses 0,3–0,5 g/kg/j) ont montré des tendances à la réduction des infections nosocomiales dans certains cas anciens, mais de larges méta-analyses récentes concluent à aucune amélioration de la mortalité ou du nombre d’infections dans la majorité des patients critiques. Par exemple, un méta-analyste (Sun 2020) recommande de ne pas ajouter systématiquement du glutamine en nutrition de réanimation, sauf peut-être chez les grands brûlés (absence de surmortalité et possibilités de légers bénéfices dans ce sous-groupe). Notons qu’une étude multicentrique (REDOXS, NEJM 2013) a même suggéré un surcroît de mortalité avec de fortes doses parentérales chez les plus gravement malades (polytraumatisés, septicémie). Au total, dans les soins intensifs, l’effet est négatif ou neutre (pas de bénéfice net, parfois risque) sur le statut immunitaire et la survie.
- Oncologie : la glutamine orale est étudiée pour réduire la mucite induite par chimiothérapie/radiothérapie. Chez les cancers tête–cou (RTT), un essai randomisé (20 patients vs 20) a montré que la glutamine par voie orale diminuait significativement la sévérité des mucites orales : pas de mucite de grade 4 dans le groupe glutamine (contre 25 % en placebo) et grade moyen réduit (2,9 vs 3,3, p=0,005).
En conclusion : effet protecteur sur la muqueuse buccale en oncologie (mucites améliorées). Ces résultats sont positifs, suggérant que la glutamine, en fournissant un substrat azoté pour la réparation tissulaire, atténue la toxicité des traitements.
Synthèse immunitaire : Pas d’amélioration démontrée de la fonction immunitaire chez le sportif ou en réanimation (globalement neutre/négatif). En oncologie, en revanche, l’efficacité contre les effets secondaires (mucites) est positive (glutamine orale réduit la gravité des mucites RTT).
✅ Cicatrisation, stress oxydatif et inflammation
La glutamine intervient dans le métabolisme cellulaire (précurseur du glutathion, soutien à la synthèse des acides aminés azotés pour la réparation), d’où l’hypothèse d’effets bénéfiques sur la cicatrisation et la modulation du stress oxydatif. Les données humaines sont fragmentaires.
- Cicatrisation des plaies : peu d’essais isolent l’effet de la glutamine seule. Un essai clinique chez des patients diabétiques avec ulcères du pied a utilisé une boisson combinée (arginine + glutamine + HMB) sur 16 semaines.
Globalement pas de différence de cicatrisation complète dans toute la population, mais un sous-groupe dénutri/ischaémique (albumine ≤ 40 g/L ou index de pression cheville-bras <1.0) a vu plus de guérisons sous supplémentation (RR≈1,7, p<0,01).
Cela suggère qu’en état de stress métabolique, des apports azotés (dont glutamine) peuvent aider la cicatrisation. De manière générale, cependant, les essais cliniques isolant la glutamine seule pour la guérison des plaies sont peu nombreux et montrent un effet marginal.
- Stress oxydatif et inflammation : un essai contrôlé chez des hommes après exercice épuisant (14 jours à 0,3 g/kg/j) a trouvé une diminution des marqueurs de stress oxydatif et inflammation. La malondialdéhyde (MDA) et la CRP ont diminué significativement sous glutamine, tandis que la capacité antioxydante totale (TAC) et le glutathion ont augmenté.
En revanche, les métalloprotéinases MMP-2 et MMP-9 sont restées inchangées.
Ainsi, effet antioxydant/modulateur de l’inflammation modéré chez l’homme en situation de stress physique.
Les métanalyses sur la cicatrisation et la réponse inflammatoire suggèrent que la glutamine peut améliorer le bilan azoté et faire baisser IL-6, TNF-α, CRP pubmed.ncbi.nlm.nih.gov, ainsi que le ratio lactulose/mannitol (perméabilité), et même réduire légèrement la mortalité et la durée d’hospitalisation dans certains contextes critiques pubmed.ncbi.nlm.nih.gov. Toutefois ces analyses mélangent souvent patients critiques et modalités nutritives diverses.
Synthèse cicatrisante/anti-inflammatoire : peu d’essais cliniques ciblés sur la cicatrisation pure. Les quelques données disponibles indiquent un potentiel modeste : amélioration du statut antioxydant et baisse des marqueurs inflammatoires (MDA, CRP, IL-6, TNF), mais un impact clinique sur la fermeture des plaies non clairement démontré (sauf co-supplémentation dans des cas complexes).
Conclusion synthétique
Dans l’ensemble, les données cliniques humaines sur la glutamine sont nuancées. Pour la performance sportive, l’ergogénicité est décevante (neutre), mais des bénéfices discrets sur la récupération musculaire et le stress oxydatif ont été observés.
Concernant la santé intestinale, la glutamine apparaît très efficace pour certains sous-groupes (p. ex. SII post-infectieux à perméabilité élevée, IBS-D), alors que son effet sur l’intégrité muqueuse en population générale reste incertain (nécessité de doses élevées). En matière immunitaire, aucun bénéfice net n’a été constaté chez le sportif ou le patient critique (usage non recommandé de routine).
En oncologie, la glutamine orale s’avère bénéfique pour réduire la mucite chimio-radiothérapeutique.
Enfin, pour la cicatrisation et l’inflammation, les études suggèrent un léger effet protecteur (amélioration du statut antioxydant et diminution de la CRP/IL-6), mais pas de preuve d’accélération clinique de la cicatrisation.
En résumé, la glutamine donne des effets cliniques documentés positifs dans certaines indications précises (notamment SII-D et mucites oncologiques) et pour des marqueurs biologiques de récupération ou d’inflammation. Ailleurs, les résultats sont le plus souvent neutres, justifiant que son usage ne soit pas systématique en dehors de ces situations ciblées. Les bénéfices dépendent fortement du dosage (généralement élevé, ~0,3–0.5 g/kg/j) et de la population (patients en déficit protéino-énergétique, pathologie inflammatoire spécifique).
Sources principales : essais et méta-analyses cliniques récentes cités ci-dessus (voir références ).